Un camarade nous a envoyé la traduction d’un texte publié sur la toile ainsi qu’un « chapeau » de présentation. Dndf

« Suite à un certain nombre de conversations avec Nathan Brown, auteur d’un ouvrage passionnant intitulé Rationalist empiricism et rendant compte habillement des thèses développées par Théorie Communiste, le philosophe Ray Brassier a récemment publié pour le journal e-flux le texte « Politique de l’écart : à propos de Théorie Communiste » que nous avons traduit. Connu pour son ouvrage intitulé Le néant déchaîné: Lumières et extinction et pour sa participation à la création d’un courant philosophique intitulé, par convention, « réalisme spéculatif », Ray Brassier travaille depuis quelques années les thèses développées à l’international par les partisans de la communisation, comme en témoigne par exemple son texte de 2014 intitulé Wandering Abstraction, publié par Mute. Dans ce nouveau texte, Ray Brassier rend compte et développe principalement les thèses avancées par TC dans « Le moment actuel » (SIC) et dans « Théorie de l’écart » (TC n°20), en les confrontant notamment aux travaux de Bruno Astarian. Sensiblement inspiré dans ses interventions les plus récentes par le travail de Dardot et de Laval sur le concept marxiste de « présuppositions effectives », reconnaissant certaines erreurs qu’il a commises par le passé lorsqu’il discutait de la manière dont Théorie Communiste appréhendait les luttes ouvrières, Ray Brassier s’intéresse ici au concept d’écart pour comprendre comment l’être social se trouve tiraillé « entre deux impossibilités historiques : l’impossibilité d’affirmer le prolétariat sans affirmer le capital et l’impossibilité de nier le capital sans nier le prolétariat ». Brassier reprend le concept d’écart, ses implications les plus urgentes, ainsi que la manière dont TC explique la double déconnexion de la reproduction de la force de travail au sein du capitalisme restructuré. Mais dernièrement, il s’interroge sur une tension qui affecterait le travail de TC et son concept d' »immédiateté sociale de l’individu » : comment TC peuvent-t-ils soutenir l’existence d’une préexistence de la singularité humaine aux relations de production ? » Lire la suite…
« Trois nuits marseillaises – 29 juin – 1er juillet 2023 »

« Je ne sais pas tellement que penser de ces incroyables moments. J’y ai ressenti une joie indescriptible, c’est une chose entendue. Mettre pour un moment même bref toute chose cul par-dessus tête est à n’en pas douter un des plus grands plaisirs que nous offre cette existence et ce monde. La ville, me semble-t-il, remplit alors seulement sa véritable vocation, comme si c’était le reste du temps qui relevait de l’anomalie et qu’enfin la vraie nature de la ville se révélait dans la joie et la pagaille. Il n’en reste pas moins que dans l’émeute le prolétariat dans sa puissance et sa munificence et sa magnificence n’a nullement aboli ni sa propre condition ni les circuits barbares de la marchandise : pour un certain nombre de ces marchandises il ne s’est agi en poussant les choses à l’extrême que d’une sorte de transfert de propriété et elles sont retournées aussitôt dans les circuits marchands. On trouvait ainsi immédiatement sur les sites de vente en ligne des ordinateurs à des prix ahurissants. Les trente voitures volées à la concession Volkswagen le samedi soir ont certainement déjà été maquillées et trafiquées et leur destinée demeure sans doute celle de marchandises. Dans une logique comparable les éléments d’ordre qui se sont trouvés validés dans le cours même du déferlement de désordre m’ont paru tout à fait solides. Qu’une telle émeute admette et respecte la perpétuation synchrone de la valorisation du capital commercial lié à la drogue n’a du reste rien de très surprenant ; tout au plus quelque chose d’agaçant. Ainsi vont les choses. D’autre part, la violence délirante et barbare de la remise en ordre par des troupes militaires et des méthodes de contre-insurrection me fait craindre le pire pour les temps à venir et cependant ce n’est pas de la faute du prolétariat mais bien de la bourgeoisie qui montre sans ambiguïté qu’elle est prête à tuer et à massacrer pour maintenir son pouvoir barbare sur les gens et la circulation de la valeur. »
https://leserpentdemer.wordpress.com/2023/07/13/trois-nuits-marseillaises/
« Statistiques et sentiments » (à propos des émeutes de juin 2023)

« Quand la statistique pénètre les masses, le sentiment devient une force matérielle »
(Anonyme)
Il n’y aura pas de statistiques.
Multiplier les statistiques pour dire comme les « élus locaux », les « médiateurs sociaux » : « Nous vous avions prévenus, ça va exploser », n’explique et ne rend compte de rien en ce qui concerne les événements : ni leur forme, ni le moment, ni le contenu, ni les cibles. Dans l’action, toutes les données objectives, « explicatives » existent comme sentiments, deviennent sentiments : de la haine et de la vengeance, au jeu, à la fête et à la belle projection imaginaire de soi reprenant un instant le contrôle de sa vie. Les jeux vidéo, pourquoi pas ? Tout le monde agit dans des forêts de références et de symboles, les statistiques ne mettent jamais personne dans la rue si ce n’est transmutées par les modalités du vécu.
Toute pratique opère sous une idéologie, le sentiment (vengeance et haine face au mépris, envie de la marchandise interdite) en est une. Le sentiment est un rapport aux rapports de production, il s’agit même de la forme la plus évidente, la plus immédiate de l’interpellation des individus concrets en sujets. Mais « l’individu concret » n’est pas un substrat premier, il est lui-même produit dans la reproduction du mode de production dans toutes ses formes d’apparition et tout son fétichisme. C’est l’individu concret qui s’auto-interpelle comme sujet. Les adolescents racisés se sont auto-interpelés en sujets, pas sous la même idéologie évidemment qu’un ouvrier ou un retraité. Le sentiment : haine, vengeance, envie de consommer non seulement des produits Aldi ou Lidl mais aussi des téléphones dernier cri et des écrans plats, jeu et affirmation de soi. Contre son déni constant, l’idéologie spécifique des jeunes émeutiers est précisément de se revendiquer soi-même comme « humain », la dignité est la forme la plus pure du sujet. Le sentiment ne représente pas leurs conditions d’existence réelles mais leur rapport à ces conditions et c’est dans ce rapport qu’ils se constituent en sujets et en tant que tels agissent et luttent adéquatement à leur existence réelle telle que définie et existante dans une situation sociale et politique particulière. Lire la suite…
Les derniers commentaires